Les yeux des drones font gagner du temps et de l’argent sur les chantiers
Sur un chantier, l’efficacité se mesure en temps, en qualité et en coûts – et les drones peuvent jouer sur les trois tableaux. La course est lancée pour essayer de conquérir ce marché qui est devenu incontournable.

Le marché des drones a explosé ces dernières années. Les modèles qu’on trouve partout, à moins de 1 500 euros ont fait bondir la croissance du marché, qui devrait passer en France de 36 millions d’euros à 88 millions d’euros d’ici à 2020 (aux États-Unis, de 44 millions de dollars en 2013, les chiffres devraient culminer à 1,3 milliard de dollars en 2018).
Pour les particuliers, la révolution vient de la taille des machines : des drones bon marché qui se glissent dans un sac à dos et répondent aux commandes de manettes comme pour les jeux vidéo. Pour les professionnels qui cherchent à utiliser des drones, notamment les entreprises du BTP, ce sont les progrès réalisés dans les logiciels et les données qui ont conduit à la généralisation de cette technologie.
Il existe quelques entreprises spécialisées dans des services d’applis pour drones basés sur cloud qui collectent des données et des images pour des chantiers de construction. Cela fonctionne ainsi : une appli sur tablette programme des trajectoires de vol automatisées afin de scanner une zone donnée. Le résultat est envoyé vers un moteur de photogrammétrie connecté au cloud qui extrait les images brutes et les transforme en cartes et maquettes, qui sont partagées sur une plateforme web.
Une fois ces données chargées, elles sont mises au format TIFF et d’autres formats photographiques, produisant des cartes topographiques, des nuages de points et des fichiers de maillage 3D. Le résultat est la réplique virtuelle presque en temps réel de ce qui se passe sur le chantier – on peut l’actualiser chaque jour, elle offre une fidélité visuelle au centimètre près et s’intègre aux logiciels BIM 360 et SIG d’Autodesk. Ces données permettent de faire des comparaisons entre le bâti existant et les maquettes des architectes, afin de planifier les travaux et de repérer les erreurs avant qu’elles ne deviennent trop coûteuses à rectifier.

Selon la société spécialisée en données fournies par les drones DroneDeploy, l’utilisation des drones sur chantier a augmenté de plus de 200 pour cent l’année passée. Gil Mildworth, vice-président de l’expansion commerciale dans l’entreprise spécialisée dans les données du bâtiment SiteAware explique : « Plus personne ne se demande aujourd’hui s’il y a un intérêt à utiliser des drones dans le bâtiment. La question tourne désormais autour de la capture des données et de l’extraction des bonnes informations dans le cadre d’un flux intégré des opérations de construction. »
Il y a deux ans, Bill Bennington, responsable de la qualité chez PCL Construction, a participé à la création du premier programme interne de drones. L’entreprise compte désormais pratiquement 30 pilotes certifiés qui font voler des drones aux États-Unis et au Canada. Mais au départ, il existait des doutes quant à l’efficacité du programme. « Je me suis rendu compte que les équipes de projets essayaient de trouver des problèmes à résoudre avec un drone pour pouvoir justifier l’investissement initial, raconte Bill Bennington. Maintenant, nous ne débattons plus interminablement des retours sur investissement, parce que les équipes de projet dépendent fortement des données fournies par des drones pour la communication au quotidien et pour les réunions de coordination du projet. Elles ont donc pleinement intégré leurs avantages. »
Sur tous les chantiers de construction, l’efficacité se mesure en temps, en qualité et en coûts – et les drones peuvent jouer sur les trois tableaux. Pour faire simple, un drone peut se déplacer plus vite qu’une personne, il file dans le ciel sans avoir à négocier les tranchées, les camions garés ni à escalader des échafaudages périlleux.
Bill Bennington précise que pour les vues en réalité augmentée et en réalité virtuelle des images produites par les drones, PCL traite les images des maillages 3D et des nuages de points 3D des bâtiments sur la plateforme pour drones Site Scan de l’entreprise 3DR. Lorsque l’équipe est prête à superposer le bâti existant sur la maquette, elle télécharge les fichiers de maillage/nuages de points et les ouvre avec les logiciels Autodesk comme Revit ou ReCap. « Avant, les maillages et nuages de points 3D étaient uniquement disponibles aux personnes formées à des logiciels sophistiqués et coûteux, ajoute-t-il. Mais maintenant, les maillages et les nuages de points 3D sont accessibles à tout le monde sur le projet. »

Hugh McFall, directeur du marketing produit chez 3DR, évoque d’autres exemples de projets optimisés à l’aide des drones. Dans le cadre du remplacement d’un pont, 3DR en collaboration avec le service des Transports de l’Arizona, a mis à profit son appli Site Scan pour les relevés sur site, ce qui a permis de réduire le temps consacré à ceux-ci, qui est passé d’une journée voire plus à seulement 30 minutes. Au Qatar, grâce à Site Scan, l’entreprise Arcadis les matériaux nécessaires au terrassement d’une autoroute dix fois plus vite que d’habitude. Parmi les projets remarquables réalisés pour des clients de 3DR on notera l’utilisation de drones par l’entreprise Trudeck, qui capture des images aériennes pour des plans de récolement et des rapports d’avancement lors de la construction du nouveau siège d’Uber à San Francisco.
Les moteurs de photogrammétrie basés sur cloud qui traduisent les données du drone en formats exploitables automatisent également ce qui se faisait auparavant à la main. Par exemple, le moteur de photogrammétrie en temps réel DroneDeploy n’exige pas un transfert des données vers le cloud : sa fonctionnalité Live Map permet de traiter et d’assembler des cartes 2D au fur et à mesure que le drone se déplace en traitant les images sans besoin de connexion Internet et d’accéder à des informations instantanées.
Une fois que ces images sont partagées sur une plateforme web, elles sont disponibles à toutes les équipes du projet, avec des niveaux d’autorisation et des restrictions d’accès. Mike Winn, PDG de DroneDeploy résume ainsi : « Les données de drones permettent à des personnes qui ne sont pas sur le chantier d’apporter leur grain de sel. »
Il existe différents types de caméras, par exemple, les caméras thermiques qui sont particulièrement utiles pour l’inspection des panneaux solaires afin de détecter les fuites de chaleur ou les problèmes d’étanchéité sur les façades et pour surveiller le durcissement du béton.

Avant même que commencent à s’affairer les grues et que pleuvent les étincelles de soudure, les drones sont là pour collecter des données et sécuriser les chantiers. Bill Bennington ajoute que les données et images de drones sont essentielles pour l’assemblage des plans de logistique du chantier et pour briefer les nouveaux entrepreneurs au sujet des protocoles de sécurité. Au lieu de pointer du doigt les zones sensibles sur une carte rudimentaire du chantier, il peut promener les ouvriers dans une représentation 3D (ou réplique) du projet.
PCL a également recours aux drones pour d’autres mesures de sécurité comme le métré des contours et des dénivelés existants pour gérer activement l’écoulement des eaux et entretenir des dégagements corrects pour les services d’équipement existants. Mais l’avantage de sécurité le plus évident c’est que les entrepreneurs ne sont pas obligés de crapahuter dans des bâtiments inachevés pour les inspections d’assurance qualité. « Les chutes sont la principale cause d’accidents dans le bâtiment, explique Hugh McFall. Faire voler un drone au lieu de placer quelqu’un dans une situation dangereuse est un moyen facile et rentable d’assurer la sécurité de votre équipe de terrain. »
L’une des prochaines étapes intuitives pour les drones sera d’interagir physiquement avec les structures ; les drones sont d’ores et déjà utilisés pour dégivrer les éoliennes. Mais l’interopérabilité des données et du flux des travaux représente un souci plus pressant pour les entrepreneurs et pour les start-up spécialisées dans la collecte de données par drone.
« Faire voler un drone est un moyen facile et rentable d’assurer la sécurité de votre équipe de terrain. »
—Hugh McFall, responsable de marketing produit chez 3DR
Selon Hugh McFall, l’ajout de plusieurs fonctionnalités d’automatisation est le meilleur moyen de tirer d’autant plus avantage des drones. C’est de là qu’est né le concept du « drone dans une boîte » : à une heure précise, la boîte s’ouvre et le drone démarre sa trajectoire de vol automatisée. En vol, il transmet des données vers un système de traitement central avant de revenir sur Terre pour recharger ses batteries au moyen de panneaux solaires, tout cela sans la moindre intervention humaine directe. « C’est vers ce niveau d’automatisation que nous travaillons, conclut-il. » (Les réglementations actuelles rendent cela pratiquement impossible en France comme aux États-Unis, étant donné que les drones doivent voler à la vue directe de leur pilote.)
Gil Mildworth souhaite également voir comment l’apprentissage automatique peut être appliqué à la surveillance par drones. « Je pense que la prochaine étape serait que tout ceci soit encore plus automatisé, et que l’analyse soit basée sur l’IA, dit-il. » Dans ce cas, des protocoles d’apprentissage automatique génèrent un ensemble de recommandations et de priorités pour résoudre des problèmes sur un chantier, en compilant les leçons apprises d’expériences passées et en les appliquant à des projets à venir. Un drone pourrait prévenir le personnel si les échéances risquent d’être dépassées et si les mesures du site ne correspondent pas au cahier des charges ou même être capable de voir si les ouvriers ne portent pas leur casque de chantier.
« Nous nous dirigeons rapidement vers un monde où un drone peut décoller, sans que vous n’ayez jamais besoin d’examiner les données, conclut Mike Winn. Il suffira de consulter les rapports des rectifications à apporter. »
C’est une transformation radicale pour le secteur de la collecte des données par drone. Ainsi, le produit fini ne serait plus des images ou une carte (même si ces informations feraient toujours partie du lot). À la place, vous auriez une série de questions portées à l’attention des opérateurs humains. Mike Winn ajoute : « Les données sont utiles, mais ce serait plus utile si les données pouvaient être traitées puis comprises par l’ordinateur lui-même. »