Souvent, la fiction dépasse la réalité. Si la première précède en général la seconde, on prête toutefois aux robots bien trop de facultés qu’ils n’ont pas (encore).
Les robots sont l’idée qu’on se fait du futur. Mais quelle est la part de mythe et la part de réalité quant à ce qu’ils sont réellement capables de faire ? « Ils peuvent changer tellement de choses que c’est extraordinaire, mais on n’utilise pas encore à plein les possibilités offertes par la robotique. Du reste, on l’oublie parfois, mais on a tous au moins un robot chez soi. Prenez votre lave-linge ou votre lave-vaisselle. Ça change un quotidien, sourit la consultante en robotique », Catherine Simon. Selon elle, aujourd’hui encore, la robotique sert essentiellement à l’amélioration de processus déjà éprouvés, davantage qu’elle ne produit d’innovation. Entre mythe et réalité, cette experte en écosystème robotique revient sur les avancées effectives des différents secteurs de l’industrie.
La construction et le BTP : l’indispensable soutien des machines
Les robots de surveillance d’infrastructures, comme dans les chantiers routiers ou ferroviaires, sont sans doute les plus utilisés dans les secteurs de la construction et du BTP. Certains font également des rondes de nuit. Ils permettent notamment d’anticiper certaines pannes ou certains risques grâce à des outils d’imagerie et d’analyse embarqués. Ils présentent un avantage de taille : ils ne nécessitent pas de déplacement humain in situ. Dans un autre registre, les exosquelettes, malgré quelques commercialisations récentes, ne sont pas encore tout à fait en cours.
« Dans le secteur du BTP, certains équipements comme les grues et tractopelles ont fait leur apparition pour bien assister l’homme », détaille Catherine Simon. Dans la construction, ce sont des robots faisant office d’imprimante 3D qui commencent à se déployer à l’instar du pont d’acier construit au-dessus du canal d’Amsterdam, construit par la société MX3D en partenariat avec Autodesk. En outre, bien qu’on voie aujourd’hui des maisons d’habitation entièrement imprimées en 3D, notamment en Asie, ces prouesses demeurent des exceptions.

L’énergie : un classique
C’est un secteur où la robotique foisonne. La révolution des smart grids et de la distribution d’énergie, avec l’appui, notamment, du numérique et de l’Internet des objets y est pour beaucoup. « Un simple arrêt on/off télécommandé permet de faire énormément d’économie d’énergie. La domotique en est un excellent exemple, bien que l’on manque aujourd’hui d’intégrateurs spécialisés à la fois en électronique, en électricité et en numérique qui ont une expertise globale de prise en charge de l’installation ou de la maintenance », détaille Catherine Simon.
Du côté des producteurs d’électricité, les panneaux photovoltaïques sont équipés de trackers. À la façon des tournesols, ils s’orientent automatiquement pour mieux capter la lumière solaire. Particulièrement utiles en milieu hostile, les robots sont capables également, en y ajoutant de la connectivité et une forme d’apprentissage automatique, de réaliser des actions d’exploration, de maintenance et d’analyse dans des lieux interdits à l’homme, par exemple, au plus près de réacteurs nucléaires, dans le cadre d’exploration minière ou pétrolière, au centre de la Terre ou à 20 000 lieues sous les mers.
L’agriculture : un vaste champ d’innovation
On peut diviser la robotique agricole en deux grandes familles. Il y a bien sûr des systèmes plus ou moins complexes permettant la traite des vaches, mais aussi, du côté des céréaliers, une offre de tracteurs autonomes et de systèmes d’arrosage intelligents. Ces usages se diffusant rapidement, ils ont permis l’émergence d’autres innovations dans l’agriculture dite de précision pour les semailles ou l’entretien des terres. « Il existe aujourd’hui des processus qui permettent de dépêcher un drone à même de distinguer une mauvaise herbe d’une bonne, et de disperser du désherbant sur quelques centimètres carrés. On observe une progression extraordinaire dans le secteur agricole, mais le problème reste le coût d’acquisition de ces robots, que seules les grandes exploitations peuvent assumer. À ces considérations économiques s’ajoute également la question de la formation des agriculteurs à l’usage de ces outils », résume Catherine Simon.

La robotique médicale : un secteur d’avenir
C’est un secteur qui ne supporte pas l’imprécision. Loin de remplacer le chirurgien, le robot assiste le praticien dans son geste. Certaines zones sont inaccessibles par des doigts ? Qu’à cela ne tienne, la robotique permet aujourd’hui d’opérer en “ouvrant” a minima grâce à une chirurgie mini-invasive aussi appelée cœlioscopie. Le best-seller du genre reste le robot Da Vinci conçu par l’Américain Intuitive Surgical. Au bout d’un joystick, le chirurgien peut couper, clamper, coudre…
Le coût d’acquisition de ces robots est élevé, mais leur usage permet un temps de récupération minime pour le patient et un développement de la chirurgie ambulatoire. Dans le secteur de la radiologie et de la radiothérapie aussi la robotique permet d’importants progrès. En ciblant plus précisément les zones tumorales à traiter, l’utilisation de robots permet de limiter les effets néfastes des rayons sur des parties saines.
Techniquement faisables, les opérations à distance dont la première grande réussite date de 2001 entre New York et Strasbourg, posent des questions de sécurité des transmissions, trop grandes pour être généralisées. « Dans un autre secteur, celui de la rééducation, les prothèses biomécatroniques pourraient rayer l’expression “handicap moteur” de notre vocabulaire, veut croire Catherine Simon qui pointe la Silver economy comme un secteur porteur, à la croisée des chemins de la robotique, de la domotique, de la médecine, et de l’innovation sociale. La difficulté tient de la diversité de nos modes de vie », explique-t-elle.
La robotique collaborative : la vraie révolution
Dans un secteur de la robotique industrielle qui pèse, sur le plan mondial, quelque 35 milliards d’euros, avec une croissance de 10 à 12 % par an, la robotique collaborative affiche une croissance de quelque 70 %. « Les bras de levier sont la grosse tendance dans la cobotique [la collaboration homme-robot], qui demeure encore une niche », détaille Catherine Simon. D’après elle, seuls 35 000 robots collaboratifs sont installés dans le monde. « On passe à la vitesse supérieure, car l’offre se diversifie, s’enthousiasme-t-elle avant de conclure sur une promesse : les standards commencent à être calés. L’accélération est en marche. Il y aura, nous l’attendons tous, plus d’innovation bientôt. »
Retrouvez le discours de Catherine Simon au Redshift Live Paris 2018 !